Les vieux

Publié le par Luaula


Les Vieux


Les vieux ne parlent plus
ou alors seulement
parfois du bout des yeux,
Même riches ils sont pauvres,
ils n'ont plus d'illusions,
et n'ont qu'un coeur pour deux.
Chez eux ça sent le thym,
le propre, la lavande,
et le verbe d'antan,
Que l'on vive à Paris,
on vit tous en province
quand on vit trop longtemps.
Est-ce d'avoir trop ri
que leur voix se lézarde
quand ils parlent d'hier ?
Et d'avoir trop pleuré
que des larmes encore
leur perlent les paupières ?
Et s'ils tremblent un peu
est-ce de voir vieillir
la pendule d'argent
Qui ronronne au salon,
qui dit oui, qui dit non,
qui dit : "Je vous attends".


Les vieux ne rêvent plus,
leurs livres s'ensommeillent,
leurs pianos sont fermés,
Le petit chat est mort.
Le muscat du dimanche
ne les fait plus chanter,
Les vieux ne bougent plus,
leurs gestes ont trop de rides,
leur monde est trop petit,
Du lit à la fenêtre,
puis du lit au fauteuil,
et puis du lit au lit,
Et s'ils sortent encore
bras dessus, bras dessous,
tout habillés de raide,
C'est pour suivre au soleil
l'enterrement d'un plus vieux,
l'enterrement d'une plus laide,
Et le temps d'un sanglot
oublier toute une heure
la pendule d'argent
Qui ronronne au salon,
qui dit oui, qui dit non,
et puis qui les attend.

Les vieux ne meurent pas,
ils s'endorment un jour
et dorment trop longtemps,
Ils se tiennent la main,
ils ont peur de se perdre,
et se perdent pourtant
Et l'autre reste là,
le meilleur ou le pire,
le doux ou le sévère,
Cela n'importe pas,
celui des deux qui reste
se retrouve en enfer.
Vous le verrez peut-être,
vous le verrez parfois
en pluie et en chagrin
Traverser le présent.
En s'excusant déjà
de n'être pas plus loin.
Et fuir devant vous
une dernière fois
la pendule d'argent
Qui ronronne au salon,
qui dit oui, qui dit non,
qui leur dit : "Je t'attends",
Qui ronronne au salon,
qui dit oui, qui dit non,
et puis qui nous attend

Jacques Brel 1963

 

Jacques Brel que j'ai vraiment découvert dans les années 80, flûte! ça ne nous rajeunit vraiment pas, est mon  chanteur préféré; autant vous dire que j'écoute en boucle ses chansons; parfois quand on admire un artiste qui a une foisonnante production artistique et sur une longue période, on n'aime plus ses débuts, un peu moins le milieu sa carrière, ou plus ou moins à la fin de celle-ci; ou vice versa, chez le Grand Jacques, j'aime tout, absolument tout.

 

" J'aimais " est ma préférée suivit de "ces gens-là" et "la Fanette" ces trois morceaux bouleversants me transportent littéralement, je m'y étendre un de ses quatre, promis, juré.

 

Alors me direz-vous, pourquoi "les vieux" ? Bonne question, merci de me l'avoir posé, figurez-vous que hier, j'ai reçu des formulaires à remplir pour la reconstitution de ma carrière à l'éducation nationale en vue de monter le dossier de ma retraite! Mince alors...tout d'un coup, je me suis senti vieux, mais vieux, pourtant je n'ai que 53 ans, et puis Sarko et ses sbires viennent malgré les manifs d'allonger l'âge de la retraite...

 

Ma grand-mère paternelle, nous a quitté à l'âge de 51 ans au début des années soixante-dix, le souvenir que j'ai gardé d'elle, c'est celui d'une personne soignée, classe dirait-on de nos jours, élégante mais paradoxalement vieille, ridée, bien que se tenant droite comme un i, mais sur laquelle les labeurs et la dureté de la vie avaient laissé leurs empreintes.

 

Mézigue se sent et se porte bien, pas fripé, pas trop cabossé par les aléas de la vie, la vue a un peu baissé; d'accord, ne pourra plus faire un triple salto arrière, mais est-ce nécessaire? mais encore bien conservé dans la naphtaline, le pépère.

 

D'ailleurs,un charmante dame avec laquelle j'ai fait du covoiturage sur le trajet Grenoble - Romans me donnait à peine quarante ans, c'est vous dire, inutile de vous dire que tel le coq gaulois, je me suis dressé sur mes ergots, en rentrant le ventre et en bombant le torse.

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Sur le temps qui passe, je voudrais terminer avec les paroles de Franco, l'un des trois grands de la Musique Congolaise en compagnie de Rochereau et Grand Kallé, qui disait ceci:

"Elengi ya mokili bima suki ya mpembe, obokola ba koko" (Traduction: la plus belle chose sur sur cette terre, c'est d'avoir des cheveux blancs (*) et de voir grandir ses petits et arrières petits enfants)

 

(*) une toison blanche sur la tête est le symbole de la sagesse en Afrique.

 


 


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